Chirurgie orthognathique - Ostéotomies des maxillaires

, par Dr Julien NICOLA, Chirurgien Maxillo-facial et stomatologue

Il s’agit d’une chirurgie pratiquée depuis de nombreuses années, et extrêmement bien maitrisée pas les chirurgiens Maxillo-Faciaux.

Elle se pratique à quasiment tous les âges, à partir de la fin de la croissance.
Cette chirurgie permet de remettre les mâchoires en bonne position, lorsqu’il existe un décalage entre elles, et donc de repositionner les arcades dentaires.

Ce décalage peut être dû à une différence de croissance entre les mâchoires, à certaines malformations de naissance, à un traumatisme (fracture de mâchoire non ou mal traitée), au vieillissement chez les patients édentés.

Ce décalage, et les anomalies de l’occlusion dentaire associées ont des conséquences à court, moyen et long terme :

  • impossibilité d’assurer la stabilité de résultat après traitement orthodontique, si les arcades dentaires ne sont pas parfaitement en concordance,
  • risque de déchaussement dentaire, d’usure dentaire précoce, de perte dentaire,
  • gêne à l’alimentation ou à l’élocution,
  • apnée du sommeil, ronflements,
  • dysfonctionnement des articulations temporo-mandibulaires,
  • retentissement esthétique (menton trop avancé, trop reculé, décalé, découvrement des gencives lors du sourire)
  • impossibilité de mettre en place des prothèses dentaires (dentier).

La chirurgie des mâchoires, en permettant de retrouver une occlusion assurant un engrènement dentaire stable et non traumatisant pour les dents, les gencives et les articulations dentaires et les articulations temporo-mandibulaires, va donc permettre d’éviter ces risques en améliorant les aspects fonctionnels et esthétiques de la face.

« Point clé »
Le déplacement des mâchoires entraine, dans quasiment tous les cas, un changement esthétique.
Les mâchoires supérieures et inférieures étant toujours repositionnées en respectant « l’harmonie » cranio-faciale globale, ce changement esthétique est toujours perçu de manière positive, même s’il faut parfois au patient, lorsque le changement est important, un peu de temps pour s’habituer à son nouveau visage…

Collaboration avec les différents spécialistes

Cette chirurgie se fait en collaboration avec :

l’orthodontiste

Son rôle est de préparer les arcades dentaires en vue de la chirurgie (cette phase peut durée de quelques mois à 2-3 ans), de réaliser le traitement orthodontique post opératoire (là aussi la durée est variable, plusieurs mois généralement).
La coordination avec le chirurgien est indispensable, et l’étude du cas nécessite le plus souvent une analyse commune des photos, des moulages dentaires et des radiographies, ceci afin d’obtenir le résultat le plus parfait possible, occlusal et esthétique.
Enfin, quelques jours avant la chirurgie, l’orthodontiste devra remplacer l’appareil dentaire existant par un arc chirurgical muni de petits crochets indispensables à la chirurgie.

le dentiste

Son rôle est d’assurer, avant la chirurgie, un état dentaire et gingival optimal.
Dans le cas particulier des patients édentés complets ou partiels, le travail de prothèse est déterminant pour la réussite de la chirurgie, car c’est cette étape qui détermine la position des mâchoires lors de la chirurgie.

les autres spécialistes

Le médecin généraliste, le pneumologue, le cardiologue, etc.… interviennent parfois dans certains cas (patients sous traitement anticoagulant ou antiagrégant, apnée du sommeil, …).


Avant l’intervention chirurgicale

La dernière consultation précédant l’intervention a pour but de répondre aux dernières questions, et de valider la date de la chirurgie et du rendez-vous avec l’anesthésiste.
Une ordonnance pour une prise de sang vous sera proposée.
Cette consultation permettra de vérifier que les radiographies et moulages dentaires soient suffisamment récents.
L’entrée se fait le jour même de l’intervention.


L’intervention chirurgicale

Elle se déroule sous anesthésie générale.

L’intervention, appelée ostéotomie, consiste à réaliser des découpes très fines des mâchoires.
L’abord se fait par la gencive et il n’y a aucune cicatrice extérieure visible.
Une fois les fragments osseux déplacés, et mis dans la position voulue, les fragments sont stabilisés à l’aide de plaques en titane très fines (1 à 2 mm d’épaisseur) et de petites vis (5 à 7 mm de longueur).
Les plaques sont dans l’immense majorité des cas laissées en place, et n’entrainent aucune gêne.
Elles peuvent parfois être retirées, environ 1 an après l’intervention.

L’intervention peut durer de une à cinq heures en fonction de la difficulté du cas.
Le saignement est habituellement modéré, et ne nécessite pas de transfusion sanguine.
En fin d’intervention, les mâchoires sont, dans la plupart des cas, bloquées à l’aide de quelques élastiques, puis les points de suture sont mis en place (ils disparaissent tous seuls en quelques semaines).

« Point clé »
Même s’il est tout à fait normal d’éprouver du stress avant une intervention, il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une chirurgie risquée, dans la mesure où elle ne touche aucun organe vital, et le saignement reste modéré.

Lorsqu’une ostéotomie de la mandibule est réalisée (mâchoire inférieure), dans certains cas, des petits drains sont mis en place (ils sortent de la bouche et sont retirés le lendemain matin).


Après l’intervention

Réveil

Après un passage en salle de réveil durant 1 à 2 heures, le retour en chambre est possible.
L’hospitalisation dure de 2 à 5 jours.
Cette durée est variable et dépend de la capacité du patient à se réalimenter correctement.
Vous serez bien sûr vus tous les jours au cours de votre hospitalisation.

suivi post opératoire

Le suivi post opératoire sera régulier durant toute la phase de consolidation.

Le blocage des mâchoires aux élastiques est maintenu habituellement entre 8 et 15 jours.
Il peut être plus bref dans certains cas, notamment lorsque le décalage est minime, et peut être parfois plus long (jusqu’à 4 semaines) lorsque certaines complications surviennent en cours d’intervention, notamment lorsqu’un trait de fracture imprévu survient.

« Point clé »
Le blocage des mâchoires se fait à l’aide de 2 à 3 élastiques que l’ont peut aisément couper à l’aide d’une petite paire de ciseaux en cas d’urgence (nausées le plus souvent).
Il n’y a aucune urgence à les remettre en place, vous n’aurez dans ce cas qu’à prévenir de ce problème, et vous serez revu en consultation très rapidement. Dans la plupart des cas, les élastiques ne sont même pas remis.

Une fois la période de blocage passée, il est possible que des élastiques (1 ou 2) soient à remettre le soir uniquement.
Durant toute la période de blocage, l’alimentation devra être liquide bien entendu (des produits spéciaux vous seront prescrits). Une fois les élastiques retirés, les aliments mixés seront autorisés.
A partir de 3 semaines après l’intervention, et jusqu’à consolidation osseuse (4 semaines pour la mâchoire supérieure, 6 semaines pour la mâchoire inférieure), une alimentation progressivement normale pourra être reprise.

« Point clé »
L’hygiène de la cavité buccale est fondamentale après toute intervention chirurgicale réalisée justement par voie endo buccale, c’est encore plus important dans ce type d’intervention.
En plus des solutions habituelles, l’utilisation d’un jet dentaire peut s’avérer fort utile.

Reprise des activités professionnelles et sportives.

Une période minimale de repos de 15 jours est recommandée, elle est habituellement de
3 semaines.
Un arrêt de travail ou une dispense scolaire vous seront proposés.

Il est normal d’éprouver de la fatigue au retour à domicile, elle est liée à la perte de poids, normale après ce type d’intervention, bien qu’elle soit modérée (de 0 à 6 kgs).

Concernant les activités sportives, elles seront proscrites pendant la phase de blocage.
Des activités modérées, sans risque de choc facial peuvent être reprises progressivement avant la consolidation complète.
La reprise complète des activités est possible à 8 semaines après intervention, sauf pour les sports de contact (rugby, combat, …) où il faudra 1 mois de plus avant reprise.


Le traitement orthodontique post opératoire

Il pourra débuter avant même la consolidation complète, 4 à 6 semaines après l’intervention.
Sa durée est variable, elle peut être de plusieurs mois.
Ce traitement est indispensable afin de permettre l’ajustement définitif des arcades dentaires après la chirurgie.


Les risques

Certaines complications peuvent survenir, comme pour toute intervention chirurgicale.
Elles sont rares, voire exceptionnelles.

  • saignements : habituellement de faible importance, ils peuvent durer quelques jours.
  • troubles de la sensibilité des lèvres, des dents, du menton, des gencives : très fréquents dans les suites immédiates de l’intervention, la rééducation est la règle, elle peut être longue (quelques mois), et s’accompagner de sensation de fourmillements ou de décharges électriques.
    Dans moins de 5% des cas, la récupération n’est pas totale, et au-delà de 3 ans après chirurgie, on considère qu’il ne peut y avoir d’amélioration.
  • douleur : habituellement faible, voire absente
  • gonflement : il est normal d’observer un œdème dont l’installation est progressive pendant 2 jours.
    Il disparaitra lentement en quelques semaines.
  • nausées et vomissements : complications courantes suite à toute anesthésie générale, des traitements peuvent permettre de limiter ces désagréments, en outre les élastiques de blocage peuvent être enlevés à n’importe quel moment.
  • déplacement des dents par rapport à la position obtenue lors de l’intervention.
    Ce problème est lié, dans la majorité des cas, aux ATM [1] qui prennent une position après l’intervention différente de celle retrouvée pendant la chirurgie.
    Ce déplacement, lorsqu’il survient, est minime et est corrigé orthodontiquement.
    Dans de très rares cas, il est plus important, et peut nécessiter une nouvelle intervention.
  • dysfonctionnement des ATM [2] : il est le plus souvent transitoire et peut nécessiter quelques séances de kiné.
    Il est en revanche tout à fait normal de présenter une limitation de l’ouverture de la bouche, liée au blocage des mâchoires et aux hématomes.
    Celle-ci s’améliore rapidement sans rééducation particulière.
Conclusion
La chirurgie orthognathique peut faire peur, et c’est tout à fait compréhensible.
Cette chirurgie est toutefois pratiquée de manière courante depuis de nombreuses années, et des bénéfices fonctionnels et esthétiques qu’elle apporte sont majeurs.

Notes

[1articulations temporo-mandibulaires

[2articulations temporo-mandibulaires